Virgil Abloh La révolution est en marche

ce qui frappe avant tout, c’est son audace.
Quand on évoque Virgil Abloh, on parle souvent du parcours atypique d’un artiste, dj, architecte et designer qui ne se destinait initialement pas à mettre sa créativité au service de la mode. Ceci dit, Abloh n’est pas le premier dans ce cas. Raf Simons était aussi architecte et designer produit avant d’accéder à la tête d’une grande maison. Il serait donc très réducteur de limiter l’audace de Virgil Abloh à son parcours. Son originalité se trouve ailleurs. Virgil Abloh, c’est avant tout un créatif qui a du flair. En 2010, qui d’autre aurait deviné que Kanye West incarnerait bientôt le chic 2.0 ? Qui d’autre aurait osé penser qu’un mot ultra-banal imprimé en Helvetica (cette police a littéralement été conçue pour être la moins stylée possible !) et thermocollé sur un short de basketteur synthétiserait un jour la quintessence du luxe ? Cette mode vulgarisée avec des références culturelles ultra-populaires et des techniques à priori simples surprend tant elle s’éloigne de la mode créative et artistique dont on se nourrit à chaque Fashion Week. Mais depuis son arrivée sur la planète mode, Virgil Abloh ne fait rien comme les autres ! Le considérer comme le symbole d’une hype sans substance, c’est avant tout ne pas saisir toute la portée de son travail. Contrairement aux apparences, Virgil Abloh ne fait pas que créer de nouvelles tendances, il redéfinit nos codes et dépoussière le luxe.

RÉINVENTER LE BON GOÛT Virgil Abloh n’a pas peur de flirter avec le kitsch.
Sa marque de fabrique, c’est avant tout de jouer avec les règles et de cas- ser les codes. Sa première collection pour Louis Vuitton déborde de total looks borderlines, flashy, presque criards. Il ose le total look rouge, la veste orange sur chemise bleue et le gilet jaune fluo (sa première collection pour la marque s’intitule d’ailleurs “Colour Theory”).
Même combat pour Off-White : total look peau de serpent jaune et over- dose de monogramme toujours plus près de la frontière entre luxe et mauvais goût sans jamais passer du mauvais côté de la barrière. En assumant une colorimétrie audacieuse, Abloh joue avec la règle selon laquelle un look monochromatique est un look élégant : du monochrome oui, mais sans noir et blanc.

RÉCONCILIER LE LUXE ET LA RUE Que ce soit pour Off-White ou Louis Vuitton, la mode de Virgil Abloh se base sur l’esprit streetwear et sportswear du hip-hop américain. Pourquoi s’en étonner ? On ne va pas se mentir, on croise bien plus de sweats à capuche et de baskets Nike que de robes Couture… Si cette es- thétique est si plébiscitée, pourquoi ne pas l’emmener jusque sur les podiums de la Fashion Week ? Abloh a le pouvoir de rendre désirable la mode populaire sans caricature. Son style décloisonne la société, lie les classes sociales et valide définiti- vement la valeur artistique de la rue et de la pop culture. Sur ce point, la force de Virgil Abloh tient surtout au fait qu’il intègre ces références en douceur et sans choquer, loin des fauteurs de troubles Demna Gvasalia et Gosha Rubchinskiy dont les créations sont beaucoup plus provocatrices et agressives.

UNE APPROCHE INCLUSIVE La différence avec le dernier show de Kim Jones pour Louis Vuitton est frappante. Avec l’arrivée de Virgil Abloh, le podium de la marque est devenu hyper-inclusif. La diversité a toujours fait partie de l’ADN de Virgil Abloh depuis Pyrex jusqu’à Off-White. Mais la portée d’un show inclusif porté par Louis Vuitton est d’autant plus forte que la maison existe depuis 165 ans et figure parmi les plus influentes. A travers son travail, Abloh nous aide à redéfinir les canons de beauté établis depuis bien trop longtemps : il se sert de la diversité des mannequins comme d’un levier artistique, joue avec les couleurs, crée des contrastes sans chercher à cacher la différence. Il ne s’agit pas pour autant de créer une mode militante. Finalement, il était temps que la marque propose enfin un podium à la hauteur de son aura, dont la diversité ressemble à son public et à la société dans son ensemble.
Sous ses faux airs de “it designer”, son action fait de lui le symbole et le moteur d’une nouvelle ère vers une mode plus ouverte et à la portée de tous. Ses collaborations avec Ikea, Nike et d’autres marques de grande consommation proposent une porte ouverte inédite grâce à laquelle nous sommes tous invités à regarder et comprendre la mode.