Repérée dans « Les Poupées Russes » de Cédric Klapisch mais aussi dans « L’un reste, l’autre part » de Claude Berri, Aïssa Maïga compte une trentaine de films sur son CV d’actrice. Avec son sourire à tomber, ses yeux profonds et sa beauté qui perce l’écran, on en oublie presque que l’actrice, en plus de sa carrière, sait mener des combats. Son livre « Noire n’est pas mon métier » sorti en 2018 avec quinze autres comédiennes noires, l’engage afin de bouger les lignes d’un milieu du cinéma stéréotypé. Charismatique, talentueuse et investie, jusqu’où ira-t-elle ?
Par Stéphanie Chermont
Aïssa Maïga, son nom sonne comme un poème. Alors que d’autres actrices découvrent le cinéma par leur famille, leurs relations, leur origine sociale, rien ne prédestinait la comédienne à le devenir. C’est l’une de ses enseignantes au collège, professeure de français, qui lui met l’eau à la bouche en lui montrant une comédie musicale. Il n’en faudra pas plus pour convaincre Aïssa Maïga qu’actrice allait devenir son métier. On peut dire merci à cette fameuse professeure… De petits rôles à des seconds rôles, dans « Saraka Bo », « Jonas et Lila », « Lise et André », « Voyage à Ouaga », « les Baigneuses », « Rien que du bonheur » ou encore « Mes enfants ne sont pas comme les autres », c’est dans le film de Claude Berri, « L’un reste, l’autre part » et dans « Les Poupées Russes » de Cédric Klapisch que tout se confirme pour Aïssa Maïga comédienne. Bien sûr, on use de sa transcendante beauté comme rôle de séduction. Mais déjà, du point du spectateur, Aïssa se fait un nom, un visage et une personnalité devant la caméra.
Ce que l’on oublie, c’est qu’Aïssa Maïga a fréquenté les plus grands réalisateurs, Klapisch, Sissako, Haneke, Lioret Gondry, elle a joué avec les plus grands acteurs et actrices français, Romain Duris, Gérard Depardieu, Olivier Marchal, Zabou Breitman, Benoît Magimel ou encore Mélanie Laurent. Et pourtant, on la voit humble, entière, sereine et les pieds sur terre. Ce milieu du cinéma que certaines femmes actrices ont dénoncé pour ses obscénités l’année passée, dans un mouvement appelé #MeToo, Aïssa Maïga le côtoie depuis ses débuts avec en plus d’être une femme, le poids d’être une femme noire et de se voir confier des rôles toujours plus discriminants : prostituée, mère célibataire, mama en boubou, immigrante…
Il faut arrêter avec les clichés sur les femmes, sur les femmes noires, sur les femmes actrices noires.
Aïssa Maïga
Consciente. Alors oui, il faut arrêter avec les clichés sur les femmes, sur les femmes noires, sur les femmes actrices noires. Un livre, un collectif, Aïssa Maïga s’investit pour que l’on voit les actrices noires tout simplement, que l’on dénonce en France ce manque de réactivité et d’action pour les défendre de toute discrimination. Loin d’être politisée, Aïssa Maïga se fait entendre dans des combats qu’elle mène avec brio, au même titre que sa carrière d’actrice et de son rôle de maman. De ce livre « Noire n’est pas métier », elle en prépare la version filmée et ce documentaire sera diffusé au Festival de Cannes en mai prochain ainsi que sur Canal+. Marraine de l’AMREF depuis plusieurs années pour l’aide médicale en Afrique, bombe médiatique avec une montée des Marches retentissante à Cannes l’année dernière avec d’autres actrices noires de son collectif, on se demande jusqu’où sera-t-elle capable d’aller pour faire bouger les lignes ? En tout cas, Aïssa Maïga est encore plus qu’une belle femme, c’est une belle voix pour le cinéma français qui devrait s’inspirer de son parcours et lui laisser, enfin, tout le prestige qu’elle mérite. Aïssa Maïga, bien plus qu’un poème, c’est une ode à la liberté d’expression et au jeu sur grand écran.
Livre « Noire n’est pas mon métier », Essai (Broché) aux éditions du Seuil, disponible depuis mai 2018.