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Julie Andrieu : découvrez des recettes oubliées de notre terroir

Julie Andrieu : découvrez des recettes oubliées de notre terroir

Figure emblématique de la gastronomie française, Julie Andrieu revient avec un ouvrage engagé : 100 recettes à sauver. À travers ce livre, elle défend une cuisine populaire, régionale, souvent oubliée, mais toujours pleine de sens.

Bonjour Julie, vous venez de publier 100 recettes à sauver. Qu’est-ce qui vous a inspiré ce projet ?

Ces 13 années passées à sillonner la France pour Les Carnets de Julie ont été décisives. J’y ai rencontré des cuisiniers amateurs passionnés, détenteurs d’un patrimoine culinaire précieux.

C’est une cuisine du quotidien, profondément enracinée dans nos territoires et nos histoires familiales. J’ai réalisé à quel point elle est fragile. Beaucoup de recettes disparaissent avec les anciens.

Ce livre, c’est une tentative de sauvegarde, un cahier de recettes modernes malgré leur ancienneté, accessibles, parfois visionnaires.

Comment avez-vous sélectionné ces 100 recettes ?

Le travail fut long. J’ai épluché ma bibliothèque culinaire et historique, croisé les sources, puis dressé une première liste bien plus longue. J’ai cherché à équilibrer les régions, les ingrédients, mais aussi à choisir des plats porteurs d’histoires, de gestes oubliés, d’anecdotes qui donnent du sens à la transmission.

Quels sont vos coups de cœur ?

Je suis attachée à presque toutes, mais certaines me touchent plus. Une vient du cuisinier de Marcel Pagnol, une autre de Christian Dior. Son livre La Cuisine Cousu-Main, illustré par René Gruau, est un petit bijou. Il y a ce soufflé au fromage avec des œufs pochés cachés à l’intérieur : régressif et subtil. Les enfants l’adorent aussi !

J’ai aussi une tendresse pour les potées, les garbures, ces plats simples, paysans, parfaitement équilibrés.

Julie Andrieu
Julie Andrieu

Vous explorez aussi l’Italie dans une série sur vos réseaux sociaux. Une suite est-elle prévue ?

Oui, j’adore ce format très libre que j’ai imaginé de A à Z. On est trois : moi, un cadreur (Thomas ou Franck), et Aliénor en post-prod avec Juliette. Une toute petite équipe, très soudée. On maîtrise tout, c’est rapide, direct, vivant. J’envisage une suite en Espagne, d’abord pour la télé, mais peut-être aussi sur les réseaux.

Un retour à la télévision est-il à l’horizon ?

Pourquoi pas, si le projet est intéressant. Mais j’ai trouvé sur les réseaux une liberté de ton qui me plaît. Je peux vivre sans la télé. L’essentiel, c’est de rester curieuse, créative, libre.

📝 Recettes à découvrir dans le livre

Œufs pochés Fürstenberg de Christian Dior 🍳

Pourquoi la sauver ? La « petite robe noire » de nos dîners chics.

Si je devais élire mon palmarès intime parmi les quelques centaines de livres de cuisine qui peuplent ma bibliothèque La Cuisine cousu-main de Christian Dior serait assurément sur le podium.

Ce livre épuré, d’une rare élégance, ne compte pas de photos mais des dessins de René Gruau (inoubliable illustrateur de mode) à l’insolente modernité. « Dior est un seigneur de la Renaissance », annonce le chef Raymond Thuilier en préface. On le découvre aussi exigeant en cuisine qu’en matière de mode, accordant les saveurs comme les couleurs, « cherchant le juste équilibre dans une parfaite harmonie ».

Ce livre publié en 1972, bien après sa mort, nous prouve que sensibilité et création n’ont ni limites ni maîtres pour les grands génies. Son crédo universel : la simplicité. Cette délicate recette d’œufs pochés en soufflés au fromage en est la preuve.

Pour 6 personnes (Préparation : 20 min ; Cuisson : 15 min)

Ingrédients

  • 6 œufs
  • Pour l’appareil à soufflé :
  • 4 œufs
  • 15 cl de lait entier
  • 30 g de beurre (+ 20 g pour le moule)
  • 175 g de gruyère râpé
  • 20 g de farine
  • Poivre blanc du moulin

Préparez les œufs pochés : cassez 3 œufs dans 3 petits bols différents. Portez à ébullition une bonne quantité d’eau dans une casserole assez large pour cuire les 3 œufs en même temps. Dès que l’eau bout, trempez le fond d’un bol dans l’eau pour commencer à précuire l’oeuf (ceci pour éviter la formation de filaments blancs dans l’eau). Avant que le blanc ne blanchisse dans le bol, versez l’œuf dans l’eau et enroulez tout de suite le blanc autour du jaune à l’aide d’une écumoire. Quand le blanc commence à prendre, procédez de la même façon, successivement, pour les 2 autres œufs. Retirez-les de l’eau avec l’écumoire après 1 min 1/2 de cuisson. Attention, ils ne sont pas complètement cuits et restent très fragiles ! Déposez-les sur du papier absorbant. Recommencez de la même façon avec les 3 autres œufs. Vous obtiendrez ainsi 6 œufs pochés. 

Préparez l’appareil à soufflé : dans une casserole, faites fondre le beurre à feu doux. Ajoutez la farine et remuez au fouet 30 s, versez le lait progressivement et remuez au fouet pour éviter les grumeaux, puis à la cuillère en bois. Laissez épaissir jusqu’à ce que la béchamel adhère à la cuillère. Retirez du feu. Dans un bol, séparez les blancs des jaunes d’œufs. Ajoutez les jaunes dans la béchamel ainsi que 100 g de gruyère râpé. Poivrez.

Préchauffez le four à 185 °C chaleur ventilée.

Beurrez un plat (env. 24 cm de long) et étalez 1/3 de l’appareil à soufflé. Répartissez les œufs pochés, couvrez avec le reste de l’appareil, ajoutez 75 g de gruyère râpé sur le dessus et enfournez. Laissez cuire 15 min. Servez chaud avec une grande cuillère pour ne pas casser les œufs et accompagnez d’une salade.

Daube de poulpe 🐙

Pourquoi la sauver ? Un plat tout simple pour Pagnol et ses amis.

Comme nous le rappelle Alain Ducasse dans son passionnant Grand livre de cuisine de Méditerranée, « cette préparation, parmi les plus anciennes, est attestée dès le XIXe siècle dans les livres de cuisine provençale ». Cette recette m’a été confiée par Nicolas Pagnol, le petit-fils du grand Marcel, rien de moins. On la doit à Charles Blavette, qui nous a laissé un livre précieux sur la cuisine provençale. Cet ami de Pagnol était aussi le cuisinier – le mot « chef » ne sied pas à la bande à Pagnol – chargé de nourrir l’équipe sur les tournages de ses films. Gageons que Raimu, Pierre Fresnay et Fernandel ont certainement apprécié cette daube de copains qui réunit terre et mer, à l’image de la Provence.

Pour 8 personnes (Préparation : 15 min ; Cuisson : 3h40)

Ingrédients

  • 4 kg de poulpe
  • 2 carottes fanes
  • 2 branches de céleri
  • 2 gousses d’ail
  • 2 oignons
  • 1 échalote
  • 1 bouquet garni
  • 1 piment
  • 1 kg de pulpe de tomates
  • 20 cl de vin rouge
  • 10 cl de cognac
  • 3 cuil. à soupe d’huile d’olive
  • Sel, poivre du moulin

Faites précuire le poulpe : retirez son bec puis coupez-le en gros morceaux et lavez-les. Placez-les dans une casserole, à sec, couvrez et laissez cuire 2 h à feu très doux. 30 min avant la fin de la cuisson, retirez le couvercle. Le poulpe est cuit quand l’eau qu’il a rendue s’est évaporée. Retirez la peau et nettoyez-le bien. Taillez en brunoise (petits dés) 2 carottes et les branches de céleri.

Dans une grande cocotte, faites fondre ces légumes avec un peu d’huile d’olive. Ajoutez les oignons et l’échalote émincés, l’ail dans sa peau, juste écrasé, et laissez fondre 15 min en remuant régulièrement. Ajoutez alors la pulpe de tomates, le bouquet garni, le vin, le piment, salez et poivrez. Laissez mijoter au moins 40 min. Flambez le poulpe avec le cognac, puis ajoutez-le dans la cocotte avec son jus de cuisson. Laissez mijoter encore 40 min. Servez accompagné de riz, d’épeautre ou de pâtes fraîches.

Propos recueillis par Sandra Fourqui

📸 Photographe : Sandra Fourqui @sandrafourqui

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