Ma rencontre avec Marie Bossée vient du hasard : lors d’une visite dans le village de Gordes, je suis interpellée par une porte bleue, avec un petit panneau : « atelier d’art » et une énorme passiflore. Tout de suite, je fus emportée dans son univers floral et onirique, rempli de délicatesse et de sensibilité ; une rencontre étonnante pour une femme en communion avec la nature sous toutes ses formes : artistique et culinaire. Je vous invite à découvrir l’univers secret de Marie Bossée.
Pouvez-vous nous raconter votre parcours ?
Après une enfance dans la Drôme, j’ai embrassé la vie parisienne en devenant mannequin, une vie trépidante et amusante, quatorze ans durant. Tout en fondant une famille (j’ai eu ma fille Ohona à 23 ans), j’ai ensuite été accessoiriste, soudeuse pour le cinéma et enfin sculptrice sur fil de fer. Après 27 ans de vie parisienne, à la naissance de mon fils Ruben, j’ai finalement cédé à cette petite voix, impérieuse, qui a emmené la famille en Provence, à la campagne. Nous avons créé La Page Blanche, une maison d’hôtes dans un hameau proche de Gordes.
Vous êtes reconnue pour vos sculptures en fil de fer, tels les luminaires et les paravents, aux motifs essentiellement végétaux. D’où vous vient cette inspiration ?
« A Paris, j’avais un tel manque de nature que j’ai eu besoin de m’entourer de beauté. »
Je suis allée chercher au fond de moi ce qui me permettrait de soigner mon intérieur pour retrouver un équilibre. Je me suis mise à fabriquer mes propres luminaires en fil de fer, avec moults insectes, feuillages et fleurs ! Dès ma première exposition, j’ai eu la chance que les magazines s’intéressent à mon travail. Grâce à cette visibilité, les commandes se sont multipliées. J’ai suivi mon cap, naturellement, en éprouvant beaucoup de plaisir à élargir le registre de mes créations. Mes clients me disent souvent que j’apporte de la poésie dans leur maison, ce qui me touche infiniment.
Toute ma famille est tournée vers la cuisine, beaucoup en ont fait leur profession, certains jusqu’aux étoiles. Mon père, pâtissier, était aussi passionné de plantes médicinales. Nous avions un potager, un verger, des ruches… Nous étions en quasi autonomie, j’ai été élevée au pollen ! J’ai aimé Paris mais je rongeais mon frein. Je savais que je prendrais des cours de cueillette sauvage dès que je serais installée à la campagne. Ce que j’ai fait.
Depuis quatre ans, vous êtes une experte en création culinaire à base de plantes sauvages. Comment vous est venue cette nouvelle passion ?
Mais la nature me tend les bras ! Chaque fois que je pars glaner, c’est formidable, il y a toujours en chemin une quarantaine de plantes comestibles, délicieuses et faciles à reconnaître. Et comme j’adore aussi créer en cuisine, ça stimule sans cesse mon imagination : mélanges d’herbes croustillants, crumble à la farine de glands, sauces et jus vert, terrines aux plantes sauvages, sorbets à la mûre, condiments aux câpres de pissenlits, glace à la fleur de sureau, salades sauvages… Sans oublier la violette, ma petite fleur préférée, avec laquelle je fais de la gelée, du sirop, du vinaigre et même parfois des choux ! Pour donner une couleur supplémentaire à ces repas, j’adore, selon l’envie, convier un groupe de jazz.
« Chaque fois que je pars glaner, c’est formidable, il y a toujours en chemin une quarantaine de plantes comestibles, délicieuses et faciles à reconnaître. »
Quels sont vos projets ?
Poursuivre la création fil de fer mais en intégrant toujours plus de graines, de lichens et autres trésors au naturel. Je continue bien sûr les dîners en pleine nature, ou chez les gens, pour partager cette cuisine du sauvage, qui est aussi une invitation à honorer la nature. Je travaille souvent seule mais j’adore œuvrer en duo, particulièrement avec une amie sommelière qui a la même sensibilité. Nous proposons des alliances « mets et vins » étonnantes. En ce moment, nous finissons de développer une carte de boissons végétales sans alcool, qui permet de pousser encore plus loin l’expérience nature. L’époque change, il y a un vrai besoin de retour aux racines, à la sobriété, à la santé. De plus en plus de groupes me sollicitent pour que je leur transmette mes connaissances. En marge de ces cours, c’est pourquoi je réfléchis aussi à un livre sur la cuisine sauvage, dans l’idée de sensibiliser à cet univers fragile et délicieux, que j’ai à cœur de préserver.