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Emma Rowen Rose : La révélation

Emma Rowen Rose : La révélation

A seulement 22 ans, Emma a déjà sa propre marque Rowen Rose, une communauté fidèle sur les réseaux sociaux et un talent fou. Inspirée par le cinéma et la poésie, mais aussi par sa grand-mère espagnole, la jeune femme vit entre Paris et Milan avec toujours la même candeur et humilité artistique. Féminine sans trop l’être, atypique sans trop le vouloir, on ne peut que la voir comme une femme inspirante, inspirée et à suivre. Son discours sur les femmes dans le milieu de la mode est à l’image de son parcours : engagé, battant et plein d’espoir. À croire que la jeune génération n’a pas dit son dernier mot, voire même, son dernier coup de ciseaux.


ROWEN ROSE Jupe et veste ROWEN ROSE Boucles d’oreilles TABITHA SIMMONS Chaussures
  • Emma, tu es née à Paris, tu vis à Milan, tu as des origines espagnoles et polonaises, en quoi toutes ces cultures font ce que tu es aujourd’hui ?

Emma : J’ai eu très vite envie de découvrir toutes ces cultures et toutes les coutumes vestimentaires de chaque pays. Mais plus particulièrement celles de Paris et Milan, ce sont des villes que j’ai côtoyées pour mon métier. J’ai grandi avec une esthétique parisienne un peu rebelle, masculin / féminin et cette élégance nonchalante typique. Milan, ça m’a apporté une féminité, je trouve que les Italiennes assument plus le fait d’être femme que les Françaises, qui sont plus garçons manqués. Et je crois aussi que j’ai pris le goût des couleurs et des imprimés en Italie, moins présent à Paris. On est plus classique, le jean, la marinière, le beige. Je pense que l’esthétique de ma marque, c’est coloré à la mode milanaise, parisienne dans l’attitude (rires).

  • Et on retrouve, dès ta première collection Santa Cruz, tes origines espagnoles aussi…

Exactement ! Santa Cruz, c’était inspiré fortement d’une œuvre de Federico Garcia Lorca. Il y avait des références, c’était très flamenco, très femme forte. D’ailleurs, on la retrouve cette femme forte dans mes collections. L’Espagne, c’st une source inépuisable d’inspiration pour moi, même en musique … J’écoute souvent les vieux chanteurs espagnols de variété, que les jeunes normalement détestent !

  • Ce numéro de Krushing est axé sur les femmes. Fais-tu part et attention à ta féminité ?

Les vêtements pour moi, ça a toujours été un moyen de montrer ma vraie personnalité. Sans ça, j’étais trop dans un moule. À l’école, je me faisais lyncher : «Tu t’habilles comme un garçon, on dirait vraiment une grand-mère ». J’étais un ovni parfois. Mais je me sentais moi-même. Je pense que les robes que je conçois ne sont pas forcément féminines, elles peuvent avoir de grosses épau- lettes, rarement dénudées, elles ne sont pas 100% femmes mais elles sont sur le fil. Je déteste le vulgaire, donc j’essaie toujours de m’en éloigner au maximum. Alors peut-être que ma féminité au final, c’est ma masculinité… Rowen Rose, c’est une marque entre deux mondes, mais contrastée !

  • En parlant des femmes, que penses-tu de leur place dans le milieu de la création, de la mode, du stylisme ?

La place de la femme dans le milieu des créateurs a toujours été stratégique. D’abord, les designers hommes dessinent pour les femmes et ils sont inspirés par des femmes. La figure de la muse n’est pas un mythe, et la femme a toujours été le point de départ de n’importe quel créateur, une inspiration ultime. Cette envie de la sublimer, de la mettre en lumière a toujours été cruciale. Aujourd’hui, les femmes réussissent de plus en plus par elles-mêmes, à devenir créatrices, mais tout n’est pas aussi rose qu’il n’y parait. Il y a tout de même une discrimination évidente dans le milieu. Beaucoup plus de créateurs sont des hommes plutôt que des femmes, mais pas seulement, beaucoup plus de postes stratégiques sont tenus par des hommes. Même lorsque les marques vendent du Prêt-à-Porter féminin, ce sont quand même majoritairement des hommes qui sont aux commandes et contrôlent même les tendances ensuite portées par les femmes. En faisant une école de mode, j’ai remarqué que 95% des élèves sont des femmes alors que dans le milieu, on ne côtoie majoritairement que des hommes. On pense souvent à la mode comme un milieu féminin voir superficiel, ou parce que l’on voit défiler des femmes on pense que c’est un milieu de femmes. Mais la mode n’échappe pas à la dominance masculine comme les autres, malheureusement.

  • Quel est ton premier souvenir d’un vêtement, d’un accessoire ?

Comme toutes les petites filles, j’étais obsédée par les princesses. Dans les boutiques, je n’essayais pas de robe si elle ne tournait pas ! (rires). Le déclic, c’était vers 12 ans, je suis allée au défilé Vanessa Bruno. Ca m’a émerveillé. J’ai vu les mannequins défiler, les vêtements portés, les équipes derrière… Je me suis dit que ça allait être mon métier.


ROWEN ROSE Jupe ROWEN ROSE Gilet et veste sans manche ROWEN ROSE Boucles d’oreilles CHRISTIAN LOUBOUTIN Chaussures
  • Comment en es-tu arrivée à créer ta propre marque, Emma Rowen Rose ?

J’ai toujours voulu travailler pour une grande maison, et d’ailleurs, je veux toujours ! (rires). J’aimerais que l’on me le propose dans le futur, quand j’aurais plus d’expérience. Ça me fait rêver. En quittant mon premier grand job chez Alessandra Rich où j’étais le bras droit de la créatrice pendant plus d’un an, j’ai voulu expérimenter, m’aventurer. J’ai décidé de partir, difficilement, et j’ai fait une petite collection pour enrichir mon portfolio. J’ai posté ces photos sur Instagram, pour les futurs employeurs. Et j’ai eu des demandes de presse, de célébrités, de bloggeuses, et là, tout a commencé.

  • Que penses-tu de l’avenir des créatrices dans ce milieu ? Crois-tu, qu’à l’image du « MeToo » et des combats féministes, la mode peut enfin donner la parole à des femmes puissantes ?

Disons que la parole se libère petit à petit, mais la route est encore longue. Certaines filles parlent mais d’autres ont trop peur des répercussions, ou savent qu’un homme peut facilement ruiner leur carrière pour un « non ». On pense aussi que le harcèlement ne se retrouve dans le milieu de la mode que sur les shootings, avec des photographes mais pas seulement. Parfois même au sein de l’industrie, le dialogue est souvent compliqué parce que les hommes ne respectent pas et ne traitent pas les femmes comme ils traitent les autres hommes. Parfois ils se permettent même de faire des avances en échange d’une production livrée à temps. Ajouter le fait d’être jeune et étrangère et vous aurez le cocktail gagnant ! Cela peut paraitre surprenant mais ce problème est partout, et concerne tous les milieux. J’espère qu’avec le temps et surtout une bonne éducation, cette situation changera et les femmes pourront se sentir respectées en toutes circonstances.

  • Qu’est-ce que tu te dis chaque jour pour avancer ?

Je suis très autodestructrice, dure envers moi-même. Donc j’essaie d’avancer tout en ayant un regard sur ce que je fais, ce que je suis. L’avantage, c’est que ça m’évite d’avoir la grosse tête !


ROWEN ROSE Robe
ROWEN ROSE Boucles d’oreilles ALEXANDER WANG Chaussures

Rowenrose.com

  • PHOTOGRAPHE : Sandra Fourqui – Assistant Jean-Baptiste Pereira
  • STYLISTE : Karine MARTINS – Assistant Thibaud Romain
  • COIFFURE : Virginie Landucci
  • MAQUILLAGE : Aziza

REMERCIEMENTS à Louise Sarfati et l’hotel Brach


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