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Divine ISABELLE ADJANI

Divine ISABELLE ADJANI

Egérie monde pour l’Oréal, Isabelle Adjani défend fièrement le positionnement et l’engagement féministes de la célèbre marque internationale de cosmétiques, une cause qui lui est chère et sur laquelle nous l’avons interviewée. Ses réponses, précises et investies, portent en elles une beauté singulière, plus intime. Tout comme dans les photos que nous avons réalisées avec elle, la chair y vibre du désir de justesse et d’honnêteté dans ses jeux de mots tout comme dans ses jeux de jambes qu’elle a sublimes, sans qu’il n’y ait eu besoin de leur apporter la moindre retouche. Elle se livre avec une liberté d’âme et d’action, qui la révèle, ne souhaitant appartenir qu’à elle-même.

Isabelle Adjani, quel est votre état d’esprit au moment où vous lisez ces questions? Comment vous sentez-vous et que faites-vous ? 

Après mon hibernation d’été au Portugal où il fait si bon vivre, j’ai fini le film de Yamina Benguigui sur la quête identitaire de trois soeurs franco-algériennes (Maïwen et Rachida Brackni ).Qui est sortie juste avant le deuxième confinement.

Vous avez été à nouveau sur scène et en tournée à la rentrée pour la pièce Opening Night,
de John Cassavetes, mise en scène par Cyril Teste , à New York City, à Rome, Hong-Kong, Sidney et aussi St Quentin en Yvelines et Melun-Sénart. Est-ce qu’il n’y a pas certains moments où l’on se sent perdue, à force de changer de décor ? 

Changer de personnage, changer de décor, changer de costumes… c’est un peu mon destin artistique,  non ? Être actrice, comédienne, c’est être une vagabonde de l’âme qui doit trouver un chemin entre ce qu’elle est et ce qu’elle doit être pour jouer. Tous les changements peuvent être périlleux… une transhumance de soi vers soi où l’on risque parfois de se perdre. Mais le changement de décor fait partie du jeu, il permet de rencontrer de nouveaux publics. Le public vient vers nous, alors il est bon parfois de lui retourner la courtoisie…et à travers une tournée théâtrale ( ici, la première de ma vie) on va vers lui. Avant ce merveilleux succès au theatre des Bouffes du Nord à Paris,  nous avons traversé avec bonheur toute cette annee un bon nombre nombre de villes de France ,parfois même des lieux tres  modestes, et pour clore le périple après les destinations prestigieuses de New York et Rome ,ce sera un dernier tour de piste dans les empires Sydney et Hong Kong entre janvier et février. Nous faisons partie des gens du voyage , mais avec une difference privilegiée, nous dormons dans des hôtels, pas parqués dans des zones périphériques insalubres en stigmatisant le mode de vie qui est celui des derniers nomades libres de notre continent….. etc…»

« Je suis égérie monde l’Oréal et je dois dire que l’engagement féministe du groupe, m’enchante par son authenticité»

Quels sont vos points de repère ? Comment faites-vous pour garder une structure stable et rassurante, protectrice ?

 J ai ma boussole des sentiments dont j invente les points cardinaux.  Quand l’aiguille s’affole, quand les intempéries menacent, elle me permet toujours de revenir à l’essentiel, à qui  j’aime, a qui me veut et me fait du bien. On ne peut pas s’éviter  les aléas de la vie, s’enfermer dans une chambre forte et attendre que passent les orages. Trop vouloir se protéger est aussi une souffrance, parce que la vie est une tempête,…

Parlez-nous de cette pièce et dites-nous ce qui vous tient à cœur et ‘à corps’, dans ce texte et dans le jeu scénique avec vos partenaires ? 

Dans la mise en scène et en écran d’Opening Night de Cyril Teste, je peux me mettre en abime et briser des miroirs sans craindre leurs représailles. Le théâtre et le cinéma sont indissociables dans cette performance sans coulisse et sans montage : c’est du direct en direct et sans commentaire. Même le off est in. Même les fantômes sont  présents ; le fantôme de la jeune admiratrice qui hante Myrtle Gordon, les fantômes du passé… « ce passe’ qui ne meurt jamais, d ailleurs qui n est même pas passe' »( j’adore, C est de Faulkner) et bien sûr les fantômes de Gena Rowlands et de John Cassavetes. Comme dans le film, la performance est d’arriver à jouer alors que personne ne veut jouer mais que les jeux sont faits : » rien ne va plus « mais il faut y aller… même à reculons…

Que raconte la pièce et que ressentez-vous physiquement quand vous êtes sur scène ? 

La pièce raconte une pièce qui n’est pas la pièce qui doit être jouée, mais qui la devient malgré elle. Myrtle Gordon a peur de Myrtle Gordon, la pièce ressemble trop à sa vie, elle craint de se mettre à mort en essayant de survivre à « l’Opening Night « qui est un rêve et un cauchemar pour les actrices, les acteurs, les metteurs en scène… La première risque toujours d’être la dernière tant toute l’énergie investie dans la préparation d’une pièce peut être réduite à néant si le spectacle n’est pas un triomphe… Opening Night ouvre la nuit intime de chaque personnage mais aussi la nuit intime des acteurs. Sur scène, je peux me sentir présente, à vif, mais aussi absente, ailleurs… Le dispositif scénique imaginé par Cyril Teste est un laboratoire où s’opère une étrange alchimie entre la présence et l’absence, la réalité et l’imaginaire, entre le passé et le présent… ce qui procure étonnamment un sentiment de totale liberté pour jouer avec le public… On plie bagages fin février 2020 avec la tournée internationale, mais c’est une mise en scène qu’on pourra très bien reprendre dans 5 ans ou même dans 10 ans. Tout y est si intemporel !

Vous avez toujours été dans des rôles plein d’énergie, que ce soit dans la comédie (Tout Feu Tout Flamme), ou dans des rôles dramatiques comme Camille Claudel, des rôles physiques, organiques. Comment vous préparez-vous ? 

Pas de chaudron magique… je répète, je lis, je ressens, je me projette, je m’immerge dans les exigences imaginaires du personnage et j’essaie de trouver en moi les ressources, même de ce que je n’ai pas. …Le jeu est une expérience limite, je trouve… une expérience de la limite a atteindre sans jamais la dépasser .. C’est l’hubris qui est au cœur de toute tragédie mais aussi de toute comédie : une démesure mesurée. 

 » Les femmes n’ont pas à se transformer en homme pour se faire respecter. »

Quelle est votre hygiène de vie pour rester en forme physiquement et moralement? 

Je suis une adepte de l’alimentation comme soin, de l’homéopathie et de la naturopathie, une approche holistique qui ne dissocie pas le physique et le mental. La méditation, le protocole microbiote et la détoxification par le sauna à infrarouge, les jus à l’extracteur à froid ,le jeûne intermittent ,l’oxygénation, l’ostéopathie, l’acupuncture, les massages, ça transforme notre  corps en allié ,on ne passe plus  notre temps à réparer ce qu’on aurait  pu éviter. Apprendre pour connaître ce qu’il faut fuir  ; métaux lourds, pesticides, produits chimiques …. Pollution toxique ! la prévention, c’est le meilleur vaccin naturel. Loin des onze vaccins rendus obligatoires dans certains pays y compris en France et relayée de façon alarmiste par certains médias qui semblent embrigadés pour déstabiliser les gens » anti », en brandissant l’épouvantail de l’hystérie et de l’obscurantisme, mais on sait bien que le véritable savoir à transmettre et à partager, est empêché pour des raisons de profits. Qui est dupe ? Sûrement pas le Professeur Joyeux pour lequel j’ai un immense respect. Quant à l’équilibre psychique, j’ai appris, sans doute grâce à l’analyse freudienne-, la base pour moi – à réduire l’amplitude entre les hauts et les bas, à me dire qu’aller mieux c’est déjà pas mal et, comme pour le corps, à m’éloigner des personnes qui peuvent devenir vampires et néfastes à force de vouloir votre bien à votre place… Tout comme pour la 5G, à mon sens une vraie menace pour notre santé y compris neuropsychique. Comment ne pas se réjouir que des mouvements écologistes comme Extinction Rébellion viennent au jour ?

Je ne vais pas vous interroger sur votre beauté, tout le monde le fait… C’est sur la candeur et l’émerveillement que je souhaiterais connaître votre ressenti. Sur votre propre regard intérieur sur les personnes et les événements qui vous entourent. Qu’est-ce qui vous tient debout et comment essayez-vous de garder intact cette singularité, ce regard sur la vie empli de poésie, comme… déconnecté de l’aspect trivial du réel finalement ? 

Pourtant il semble être devenu quasiment impossible de se déconnecter du réel comme du virtuel. Comme l explique avec une clarte’ remarquable Fred Vargas dans son livre  » l humanité ‘ en péril »( que j offre a tour de bras) les réseaux sociaux  désocialisent, tout en uniformisant les êtres et les idées, créant des proximités numériques factices qui permettent de recueillir des milliards de données pour reconnaitre les consommateurs potentiels sans connaitre les personnes. On ne s appartient plus dans ce monde regente’ par les big datas, sauf à  s’inventer  des zones de clandestinité  légales.. plus d ordi par exemple…Allez, tant qu il restera possible  d’ouvrir des brèches dans les murs de l’indifférence pour participer ainsi à des prises de conscience salutaires sur l’urgence climatique, la détresse des migrants, les violences policières, les injustices… je tiendrai le coup dans la nasse de la surconnexion (rires).  Il n empêche que rester candide et cultiver son jardin bio quand les moratoires sur les pesticides sont prorogés ,et que les cadavres de femmes, d’enfants et d’hommes gisent au fond de la Méditerranée, ca dégoûte, c’est difficile. Mais pour supporter cette nouvelle insupportable realite’ de violence et de cruauté « ,l’art, la beauté, l’émerveillement sont la cure… La mienne en tout cas… Ça tombe bien car  ne suis pas blasée pour un sou et je m  émerveille comme je respire. Je ne sais pas si je rajeunis en vieillissant( rires) mais c est dans la poésie que je trouve de plus en plus cette rage de vivre acérée mais contenue, où les mots fourbissent leurs armes pour changer le monde. 

Donnez-nous un conseil pour bien s’entourer si vous en connaissez un ? Comment une femme CONNUE fait-elle, comment se protège t-elle de ses blessures par rapport à son entourage, comment faites-vous, vous, pour tenir les gens en respect et vous protéger ? 

«il n’y a pas d’amour, il n’y a que des preuves d’amour »,?je dirais même des épreuves d’amour. « Éprouver « c’est aller au-delà de la preuve et des épreuves. Pour une femme,eprouver des sentiments forts et sincères  sans l ombre planante d une menace,ne plus douter de soi et des autres malgré les blessures que l’on s’inflige parfois les uns les autres. .. quel  programme! Celui  d’une vie dont on a pas les mots de passe…Si l amour et l’amitié sont des risques a savoir prendre, il est  complexe pour une femme connue de  tenir en respect les malveillants…, plus tôt dans  ma carriere je me défendais énergiquement, quand il le fallait en m’adressant à la justice, contre les salisseurs de reputation, contre les causeurs de tort.. mais  aujourd hui , sur le net, rien n’est net…tout le monde veut détruire tout le monde .. Les orduriers couvre les uns et les autres d’ordures…C est atterrant…alors pour moi , le choix de prendre de la distance , ça me donne un peu le ressenti de relever le niveau… sauf on venait à me diffamer gravement . Mais je suis toujours aussi abasourdie s il arrive que je fasse encore les frais d’obsessions malsaines ou de mauvaises intentions.. Meme à travers des petites phrases vicieuses..et la mysoginie  est souvent le fondement de l outrage. Car chercher à faire du mal à une femme, ca s’appelle un outrage.

Qu’est-ce qui est plus difficile à accomplir pour les femmes en général ? Et pour les comédiennes ? 

L’accomplissement de la femme a toujours été définie par les hommes, pour les hommes, dans un monde d’hommes. Et le piège pour nous les femmes est de penser leur propre accomplissement dans une forme genrée, dans un clivage instauré par la domination masculine.  A chacune selon son statut de trouver son vecteur d’expression.  Je suis égérie monde l’Oréal et je dois dire que l’engagement féministe du groupe, m’enchante par son authenticité.

Croyez-vous en un féminisme universel et en des valeurs partagées par toutes les femmes au-delà des frontières ? 

 L’universalité qui instaure des normes en dehors desquelles il n’est plus possible de penser, ni d’exister.? Prudence pour moi. Le féminisme occidental reste un féminisme de femmes blanches et cultivées qui,C est sur,  a forgé tout au long de ses combats ,des concepts efficaces pour accompagner l’émancipation et la libération des femmes. Mais ce féminisme peut tout bien, imposer malencontreusement à des femmes ,des symboles qui ne sont pas forcément les leurs. Pourquoi pas une internationale des femmes où chacune peut porter ses propres revendications, à la place d’un féminisme universel qui prend la parole de toutes les femmes en otage? Il y a un an et demi, quand certaines femmes ont signé une tribune dans Le Monde pour revendiquer un droit au harcèlement comme étant au fond une expression possible de la libération sexuelle, je me suis étranglée. Celles qui ont signé sont des femmes qui ont le choix de dire oui ou non, oui et non. Pas comme pour d’autres, qu’on  force à dire oui ou à se taire, même quand elles disent non. Non, c’est non !

Que ressentez-vous devant le combat des femmes iraniennes qui se dévoilent en se filmant ? 

Beaucoup d’admiration. Elles sont extrêmement courageuses car elles prennent de sacrés risques en le faisant. Leur combat n est pas limité  à celui contre le voile, elles ne souhaitent pas l’arracher des têtes de toutes les femmes iraniennes, leur combat est un combat pour la liberté des femmes dans une société radicalement et religieusement dominée par des hommes qui prétendent les protéger en les voilant.

Pensez-vous que les hommes qui invitent les femmes au restaurant et leur tiennent la porte présentent une menace en terme d’égalité et exercent ainsi, un pouvoir sur elles ? 

Tant que ca ne s’accompagne pas d’une petit tape sur les fesses au passage, c’est tout à fait acceptable, non?  ( rires) Là encore, pas de paranoïa, un geste délicat, n’est pas forcément un signe de domination ou de harcèlement. La galanterie peut être un signe d’attention et de respect… mais vigilance, parce que si le  galant peut  penser que c’est une invitation à aller plus loin , … hello goujat!

« On a besoin de faire muter notre regard et la justice de notre société française du côté du féminin. »

Le féminisme, sans galanterie et dans l’inversion des codes, quand le féminin se réattribue le masculin, est-ce que cette idée vous parle et vous séduit ? 

Non, l’inversion des codes n’a pour moi aucun sens et les femmes n’ont pas à se transformer en homme pour se faire respecter. Soit il faut changer les codes, en créer de nouveaux, soit les abolir, mais les inverser ne renverse rien. Parce que cette inversion perpétuera les fondements du sexisme : les filles jugées trop masculines seront toujours des garçons manqués et les garçons jugées trop féminins seront toujours des femmelettes. 

Isabelle Adjani, quelle amie êtes-vous ? Pour une/les femme(s) ? Et avec les hommes ?

Je sais être une amie bienveillante et attentionnée. Je ne fais pas trop  de distinction entre mes amitiés féminines et mes amitiés masculines.

En quoi croyez-vous ? Quelle est votre promesse de vie ?

Je crois comme de plus en plus d’habitants de cette terre que l’alerte sur le réchauffement climatique est une urgence absolue. Je crois que le court-terme politicien fout en l’air tout ce que les plus courageux d’entre nous s’évertuent à mettre en œuvre. Je crois que la liste de toutes les prises de conscience auxquelles nous avons été inlassablement exhortés en restant sourds, n’est hélas pas exhaustive, à savoir la déforestation accélérée de l’Amazonie , les océans bousillés par le plastique, l’élevage barbare intensif des animaux combattu par L214,  la prorogation de l’usage du glyphosate. Il faut voir le film documentaire de Yamina Benguigui « le dernier poumon du monde », véritable alerte sur une bombe écologique qui peut exploser si nous ne soutenons pas l’Afrique centrale à préserver la forêt et le fleuve du bassin du Congo. Je crois qu’il est trop tard mais qu’il n’est jamais trop tard. Parmi les actrices, des militantes comme Mélanie Laurent, Juliette Binoche, Marion Cotillard et d’autres en France, sont à rejoindre par le plus grand nombre. L’écrivaine Fred Vargas a raison, « virons de bord, toute ! ». 

A écouter d’urgence le nouveau titre de Isabelle Adjani avec Elvis Costello Révolution

Photographe: Sandra Fourqui

Styliste: Karine Martins

Maquillage: Laurence Azouvy

Coiffure: Jean-Marc Lebrun

Remerciements: Pauline Thomann et l’hôtel Shangri-La

www.shangri-la.com

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