En cour de lecture
Héroïque Sylvie TESTUD

Héroïque Sylvie TESTUD


Sylvie Testud … On connait sa blondeur, son regard perçant et son histoire, racontée sans détours ni faux semblants dans ses livres. Parce qu’il n’y a que là qu’on peut dire certaines choses. L’histoire d’une petite fille qui a grandi sans père, celle d’une éternelle angoissée, calmée par le jeu, enfin la genèse de son propre long-métrage qui a viré au film catastrophe et ne s’est jamais fait … Pas de quoi décourager Sylvie qui avance avec une énergie folle. L’autrice qui se délecte de confier des choses inavouables, se veut proche des femmes sans voix. Une évidence pour celle qui a grandi dans une maison de femmes devenue amie de la réalisatrice Chantal Akerman. Qu’il s’agisse de Christine Papin dans « les Blessures assassines », qui lui valut le César du meilleur espoir féminin, à l’incarnation récente de Valérie Bacot sur les planches dans « Tout le Monde savait » l’actrice – réalisatrice se veut le porte-parole de celles qu’on fait semblant de ne pas entendre. Sylvie les campe avec force et nous amène à réfléchir au drame qui se déroule sous nos yeux. De la bonne humiliée, tuant sa maîtresse à la femme battue, violée qui se délivre en tuant son bourreau. Son interprétation époustouflante questionne notre mutisme.

Robe Gemy Maalouf veste AZ Factory Chapeau Virginie O Paris photo de droite

Photographe Sandra Fourqui @sandrafourqui

« Vous ne pouvez jamais livrer que ce que vous contenez. On a un métier où on peut se découvrir des facettes. »

Sylvie Testud pour Le Liberty’s Magazine
Robe, sac et chaussures Ungaro Chapeau Virginie O Paris Bijoux Hopenheart

Photographe Sandra Fourqui

Quel est votre rapport à la mode ?

J’adore la mode, c’est une grande fascination – quand on est actrice on a toujours accès à la mode quand il y a un évènement. C’est de l’ordre d’une fête : une remise de prix, un festival ! Lorsque l’on joue, la tenue c’est déjà 30 % du personnage qui se crée. J’ai fait beaucoup de personnages d’époques.

Des Blessures assassines à Sagan, où la coiffure faisait déjà beaucoup, mais la chemise panthère a été essentielle. J’aime par-dessous tout, les chaussures et comme avec Louboutin on s’entend bien, j’en mets et elles ne sont pas inconfortables du tout ( Rire )

On dit souvent que la chaussure fait la silhouette de la femme, d’autant plus lorsqu’on n’a pas le budget pour le reste. Ce sont les Italiens du Sud qui ont lancé ça !

Au-delà de cette futilité essentielle qu’est la mode, vous êtes très engagée dans la cause des femmes invisibles et sans voix, mais cela n’a rien à voir avec une histoire personnelle ?

Il faut être quelqu’un de fort pour investir quelque chose de dramatique. Et ne pas être traumatisé. Si on est déglingué par l’histoire alors on ne pourra pas la rendre, il faut pouvoir la porter. Il faut pouvoir l’universaliser et si on se vautre dedans, c’est fini. C’est le spectateur qui doit avoir l’émotion. C’est le spectateur qui doit vibrer, nous sommes des passeurs.  

Je ne dis pas que je fais bouger les choses, mais on se dit toujours, s’il y a 2-3 qui entendent, sur le nombre … si ça peut faire avancer – Quand on est spectateur on peut se rendre compte des choses, ça aide – Le titre de la pièce avec laquelle je pars en tournée c’est « Tout le Monde savait », donc ça veut dire que les gens autour, qui ne sont pas des fautifs, permettent que ça se passe. On est dans une société où on permet que ça se passe. La femme n’est pas encore une priorité.

Sommes-nous plus réceptifs aujourd’hui face à ces sujets ?

Oui plus ouvert, plus enclin à entendre. J’avais peur pendant la pièce de me retrouver avec des salles pleines de femmes, ce qui est très bien mais qui sont déjà acquises à la cause. C’est fou, il y avait autant d’hommes que de femmes et les gens disaient mais ça arrive à beaucoup de femmes et étaient bouleversés. Quant à Valérie, elle qui n’a pas eu de chance pendant toute sa vie, elle a eu une chance c’est qu’elle n’est pas morte, elle n’a pas ajouté son nom à la liste. Elle veut vivre.

Chez les femmes il y a beaucoup de situations qui demandent à évoluer- c’est un sujet très intéressant et d’actualité.

Et le fait qu’il s’agisse d’une histoire vraie …

J’aime les histoires vraies – la vie a plus d’imagination que nous – elle n’est pas de moi malheureusement. Notre métier c’est d’en faire un objet artistique, audible, visible et de l’universaliser le cinéma sert à ça, l’art en général.

L’invention pure c’est bien, mais c’est n’est pas pour moi.

C’est vertigineux d’incarner ces personnages. Avez-vous déjà eu peur de ne pas y arriver ?

Ça m’est arrivé sur plein de films tirés d’histoires vraies, des gens décédés ou qui vivaient encore comme Amélie Nothomb dans « Stupeurs et Tremblements ».Une fois que c’est fait on se dit Ah c’est cool, mais avant …Je ne sais pas si c’est de l’angoisse mais ça demande une concentration folle. Un truc où on se dit – purée je vais essayer au max. Je vais tout donner. Isabelle Huppert a dit à Cannes lorsqu’elle a reçu le prix pour la Pianiste : « Il y a des personnages on a l’impression qu’ils vont tout vous prendre. C’est eux qui vous donnent tout« . C’est très vrai, vous ne pouvez jamais livrer que ce que vous contenez. On a un métier où on peut se découvrir des facettes. La violence que vous allez développer pour un rôle, vous n’avez jamais l’occasion de l’exprimer dans la vie sauf que vous allez devoir la chercher quelque part et il faut qu’elle soit vraie. La première fois que je me suis vue dans les « Blessures assassines », cette violence m’a fait peur, je me suis même demandée d’où ça sortait. C’est flippant et après c’est assez agréable. Il y a un côté comme le jour où vous rencontrez quelqu’un que vous ne connaissez pas et à qui vous racontez des trucs. On se livre d’une certaine façon. La nuit peut permettre ça parfois parce qu’il y a des pardons. Et il y a ça dans les personnages – quand ils ne sont pas trop verrouillés. Quand c’est un personnage qui a vécu, on admet sa part de paradoxe. On sait que le personnage est complexe. Souvent quand on invente, on impute les personnages des différentes facettes qu’ils peuvent avoir. Après j’en ai eu pas mal des rôles forts j’ai eu de la chance…

A suivre dans les pages du Liberty’s Magazine

Robe Elie Saab Bijoux Burma Chapeau Virginie O Paris collants Calzedonia Chaussures Ungaro

PHOTOGRAPHE: Sandra Fourqui
STYLISTE: Farouk Chekoufi

INTERVIEW: Sophie Brafman
MAQUILLAGE: Celine Charpentier
COIFFURE: Raynald
REMERCIEMENTS  Celine Maarek et la Maison Ungaro

Sylvie Testud pour le Liberty’s magazine

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