Une artiste à suivre…
Caroline Faiola est une artiste dont le travail associe réalité et illusion, matière et mots, maux et poésie. Son œuvre se nourrit de ses quêtes intérieures et de ses conquêtes d’ailleurs, ses pérégrinations sont le théâtre de ses images, images qui sont l’écho de son univers.
Son œuvre est plurielle, l’image est au centre de son travail mais l’image est souvent décomposée pour être recomposée comme dans ses tressages dont le résultat trouble semble insaisissable ; l’image est altérée pour être perfectionnée (Surimpression), déformée pour être transformée comme dans ses Carnets où l’encre se mêle à la photographie, le collage à l’écriture et les souvenirs au présent.
Caroline Faiola défait pour faire, déconstruit pour créer, détourne pour inventer. Son travail explore le champ des impossibles, joue avec l’œil du spectateur, l’interroge, le transporte dans un univers entre réalité et songe, l’invite à désapprendre pour mieux comprendre.
Votre travail se fait en plusieurs étapes ; il y a tout d’abord la prise de vue, puis la décomposition et enfin la restructuration. Comment procédez-vous ?
Je travaille principalement en argentique car au-delà de mon attachement au grain et à la matière, il y a un temps de traitement. Les jours suspendus, entre la prise de vue et la redécouverte des clichés, sont pour moi nécessaires. Une image peut ensuite être retravaillée des mois ou des années plus tard, parfois à plusieurs reprises selon les projets. Mon travail se résume à une longue suite d’interruptions et de reprises.
Quelles sont vos influences ?
Il y en a tellement !Sarah Moon, César, Henri Michaux, Peter Beard, Pierre Soulages, Daido Moriyama, Sophie Calle, Zao Wou Ki, Michael Kenna, Marcel Duchamp et l’ukiyoe.
Le japon influence votre art, pourquoi ce pays vous attire ?
C’est un pays qui possède plusieurs facettes, parfois complémentaires, souvent ambivalentes. Pour moi, les choses ou les personnes les plus intéressantes sont faites de contradictions. Beaucoup de choses me fascinent au Japon : l’artisanat, la cuisine, la langue. J’ai d’ailleurs la chance de prendre des cours de japonais depuis deux ans.
Vous lui avez consacrer une exposition pouvez-vous me dire ce que vous avez voulu mettre en valeur ?
C’est une histoire de sensations plus que de mise en valeur. Je crois beaucoup à l’instantanéité des émotions. J’ai bien conscience qu’il peut y avoir un décalage entre ce que je pense raconter et ce qui en est perçu, c’est pourquoi je préfère me concentrer sur des impressions que chacun peut se réapproprier.
Quels sont vos prochaines inspirations ou travail en cours ?
Depuis peu, j’introduis le textile dans mon travail de tressage, une nouvelle façon d’appréhender la matière puisque je teins moi-même les fibres avec des végétaux.
Comment l’Art est entrée dans votre vie ? Quelle est la première œuvre qui vous ait bouleversée ? Pourquoi avoir choisi la photographie comme outil d’expression?
Je n’ai pas le souvenir que l’art soit entré dans ma vie à un moment précis. Mon père et mon oncle sont tous deux amateurs d’art, cela a donc toujours été présent dans notre quotidien. Le week-end nous allions voir des expositions, des foires, des ateliers d’artistes …En revanche j’ai un souvenir très concret du jour où, vers l’âge de 13 ans, mon professeur d’arts plastiques m’a parlé de Pierre Soulage : une véritable révélation. Son travail a suscité beaucoup d’admiration de ma part et reste à ce jour mon plus grand coup de foudre artistique. Quelques années plus tard, en école de stylisme, j’ai eu un cours de photographie durant un semestre. Cela a été une rencontre très intense. Il y avait dans l’acte photographique quelque chose de très spontané et en même temps une forme de latence. C’est un outil d’expression extraordinaire, aussi bien de par la diversité des techniques possibles mais également grâce à la profondeur des émotions que la prise de vue peut susciter en nous.
» Les deux phases créatives se répondent en un face à face qui est souvent le reflet de mon propre état. »
Caroline faiola
Carnet
La surimpression, le tressage, le collage font partie intégrante de votre travail de l’image, comment la déconstruction et la recomposition s’inscrivent dans votre processus créatif ?
Les deux phases créatives se répondent en un face à face qui est souvent le reflet de mon propre état. J’alterne des périodes pleines d’enthousiasme et des moments plus sombres.
Votre travail présente souvent des paysages urbains déstructurés, conjugue végétal et minéral, joue avec la lumière et la distorsion de l’espace, l’Homme n’y est souvent qu’une présence fugace, quel est votre rapport à la solitude ?
Mon rapport à la solitude est terrible. Je la vie comme une forme d’abandon. La pire des solitudes étant, pour moi, celle qui se manifeste en présence de l’autre. C’est la conséquence d’un état ou d’une situation. On peut se sentir seul au contact d’autrui et à l’inverse très entouré en étant physiquement seul. Bien que très peu présent à l’image, l’Homme demeure indirectement au cœur de ma démarche.
New-York, l’Inde, l’Italie, le Pérou, le Japon… comment votre travail se nourrit de ces ailleurs ? À quelle quête répond le voyage ?
Je suppose que d’une certaine façon je suis à la recherche de moi-même. Il s’agit donc avant tout d’une quête intérieure qui se manifeste par un besoin constant de l’ailleurs. Il y a pour moi une dimension très introspective dans le voyage.
Chamboll Paris
Nombre de vos images saisissent le figé dans le mouvement, vous privilégiez le noir et blanc, souvent les contours sont flous, brouillant ainsi les perceptions du spectateur, comment expliquez-vous ce désir de détachement de la réalité ?
Je suppose qu’il n’y a pas qu’une seule réalité. Il y a autant de réalités qu’il y a de personnes ou d’états. Ce qui est réel ou ce qui ne l’est pas, il s’agit là de quelque chose de très subjectif puisque c’est de l’ordre de la perception. Je cherche à retranscrire des sensations et même si l’image peut prendre une forme plus ou moins abstraite dans son esthétique, ce qu’elle représente n’en demeure pas moins réel.
Dans cette période trouble où les déplacements sont limités et où le temps semble suspendu, comment un artiste qui se nourrit de ses voyages fait pour créer ? Comment résonne en vous la solitude collective que nous vivons actuellement ?
Il faut se réinventer, casser ses propres codes mais finalement ce n’est pas une mauvaise chose, cela permet de sortir de la zone de confort que l’on s’est créée et de se poser les bonnes questions. C’est étrange mais il y a presque une forme de libération dans cet instant suspendu.
LAMIA CHAMCHAM
www.carolinefaiola.com Prix des œuvres sur demande
Le Japon Par caroline Faiola
CAROLINE FAIOLA
www.carolinefaiola.com