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Maria Grazia CHIURI

Maria Grazia CHIURI

Trois ans après son arrivée à la tête de la direction artistique de la Maison Dior, Maria Grazia Chiuri séduit par sa capacité à renouveler la garde-robe de la marque de luxe en y apportant sa vision à la fois sensuelle et poétique de la femme. Des défilés où se côtoient minimalisme et revendications féministes.

                    « Dior doit participer à l’émancipation de la femme* »

Vogue

Déjà en 2016, Sidney Toledano, l’ancien Président-Directeur Général de Christian Dior Couture, (aujourd’hui PDG de LVMH Fashion Group) n’hésitait pas à déclarer dans la presse spécialisée tout le bien qu’il pensait de Maria Grazia Chiuri, fraichement nommée Directrice artistique de la célèbre maison française : « sa vision de la femme entre en résonnance avec celle de Monsieur Dior. Son expertise de la couture et sa grande passion pour le travail artisanal sont en adéquation avec les savoir-faire exceptionnels de nos ateliers. » Avec un tel blanc-seing, difficile d’imaginer un mariage forcé entre la créatrice italienne et la marque de luxe française. Plutôt une collaboration fructueuse sur le long terme. D’autant que celle qui demeure la première femme à avoir été nommée à un tel poste chez Dior depuis sa création en 1947 était réputée pour sa fidélité professionnelle. Dix-sept années de bons et loyaux services chez Valentino en attestent aisément. Si bien que trois ans après son arrivée, dans la société propriété de la famille Arnault, la relation semble toujours fusionnelle entre la créatrice et son employeur.

« Les femmes doivent croire en leur instinct. »

Pour preuve, Chiuri ne cesse de surprendre comme en témoigne son défilé très circassien de début d’année. En optant pour une piste de cirque en guise de podium, au premier jour de la semaine de la haute couture printemps-été 2019 à Paris en janvier dernier, la romaine confirmait une nouvelle fois sa capacité à prendre le petit monde de la mode à contrepied. Avec ses mannequins en coiffes d’Arlequin qui défilaient au milieu des acrobates de la compagnie Mimbre. Etonnant pour certains ! Pas tant que ça : la collaboration s’inscrivant dans la tradition de Christian Dior qui aimait se rendre au Cirque d’hiver où Richard Avedon prendra en 1955 la célèbre photo « Dovima et les éléphants » mettant en scène une robe haute couture. « Il ne faut pas hésiter à faire des collaborations avec d’autres femmes artistes pour produire un effet au niveau international », déclarait d’ailleurs à l’AFP Maria Grazia Chiuri, qui avait sollicité une troupe d’acrobates féminines et une chorégraphe pour cette même collection printemps-été 2019. Pour elle, « aujourd’hui la mode est un acte politique. Les gens veulent qu’il y ait des valeurs auxquelles ils croient derrière les vêtements, sacs et chaussures qu’ils achètent. Les miennes, c’est de donner une plus grande visibilité aux artistes. Il est plus facile pour elles de se faire entendre par la mode, cet univers pop, que par les canaux institutionnels » dixit la créatrice dans une interview accordée au magazine Vogue. Vingt ans après ses débuts chez Valentino, comme responsable des lignes d’accessoires, avant d’en devenir codirectrice artistique aux côtés de Pier Paolo Piccioli,

 » Aujourd’hui la mode est un acte politique. Les gens veulent qu’il y ait des valeurs auxquelles ils croient derrière les vêtements, sacs et chaussures qu’ils achètent. « 

Maria Grazia Chiuri a su développer son art en faisant évoluer la marque française comme elle avait su le faire pour la marque romaine. A raison de six collections par an, celle qui aime les mannequins à forte personnalité continue de remettre au gout du jour avec subtilité quelques références glorieuses qui ont contribué à créer la légende Dior. A l’instar de la collection automne-hiver 2019-20 où la créatrice italienne a excellé dans un exerce de style proposant un twist féministe en s’inspirant des Teddy Girls, la contre-culture chic anglaise des années 1950. Cette collection rendait ainsi hommage aux liens qui unissaient Christian Dior avec la Grande-Bretagne. Les murs du pavillon au musée Rodin  – qui accueillait l’actrice Jennifer Lawrence, les mannequins Karlie Kloss, Natalia Vodianova, Cara Delevingne et la militante des droits de l’homme nicaraguayenne Bianca Jagger – étaient même couverts de lettres composées de corps de femmes nues pour l’occasion. Une œuvre de Tomaso Binga, qui avait imaginé un abécédaire spécialement pour le défilé.  Car Chiuri ne perd jamais de vue son fervent engagement féministe dans une maison si intimement liée à l’expression de la féminité. A ses yeux, « Dior doit participer à l’émancipation de la femme. » Un engagement qui lui a valu de se voir remettre la Légion d’honneur, en juillet dernier, des mains de Marlène Schiappa, la secrétaire d’État chargée de l’Egalité entre les hommes et les femmes et de la lutte contre les discriminations. Une récompense à sa contribution au secteur de la mode tout autant que pour son implication féministe. « Aujourd’hui, je constate que toutes les jeunes femmes qui font des études et travaillent se préoccupent de savoir comment concilier vie professionnelle et vie personnelle. Et je voudrais leur transmettre un message : elles doivent croire en elles et suivre leur intuition », avait-elle déclaré lors de la cérémonie, selon le site web Fashion Network. Tout un symbole et un message fort venant d’une femme issue d’un milieu modeste, qui fut formée à l’Istituto Europeo di Design de Rome, et qui a gravi les échelons par la force de son travail. Une grande Dame de la mode en générale et de la haute couture en particulier qui n’a pas fini de nous enchanter en portant haut les valeurs de la femme à travers ses collections.      

Laurent Casasoprana


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